Manuel Ballesteros Sota
- laurencejob
- 16 sept.
- 5 min de lecture
Double vainqueur sur la Côte Basque

« Nous venons d’assister à la naissance d’un champion d’exception. »
Tels furent les mots prononcés par René Lacoste pour faire l’éloge du tout jeune Ballesteros,
19 ans, vainqueur de l’Omnium de la Côte Basque le 8 Septembre 1968.
Par Didier Picot
La performance de ce jeune joueur espagnol était en effet majuscule : 65 (-7) à Chantaco, 69 (-2) à la Nivelle, puis 63 (-7) et 66 (-4) le week- end au golf du Phare à Biarritz, soit un total de 263 (-20).Lancé l’année précédente (1967) à l’initiative de René Lacoste (Chantaco), Jean Neuhaus (La Nivelle) et Guy Petit (maire de Biarritz) comme nous l’avons relaté dans ces colonnes, l’Omnium de la Côte Basque 1968 se jouait sur ces trois parcours. Il était l’un des mieux dotés du continent européen, ce qui explique en partie la haute qualité du champ des compétiteurs.
Parmi les têtes d’affiche de l’édition 1968, on trouve l’Australien Randall Vines vainqueur de l’Omnium l’année précédente, une forte armada espagnole emmenée par les frères Sota, Gallardo et Arruti, Valentin Barrios, Sebastian Miguel, Jaime Benito et Carlos Celles, les Sud Africains Barry Franklin et Denis Hutchinson, les Anglais Brian Barnes, David Talbot et Peter Butler. Le champ était complété par des joueurs américains, australiens, rhodésiens, belges, hollandais et allemands, entre autres.

La délégation française incluait à peu près tous les champions basques confirmés (Jean Garaïalde, Jean-Claude Harrismendy, André Lamaison, Gerard Gassiat) ou en train d’éclore (les frères Larretche, Jean Delgado, Bernard Pascassio, Philippe Mendiburu). Elle était renforcée par Patrick Cros, André Leclerc et plusieurs autres pros français, et par les amateurs parisiens Hervé Frayssineau et Georgie Leven, les toulousains Henri Castaigne et Bertrand Arquier et un jeune local, Patrice Léglise. Au total, 94 joueurs prenaient le départ de l’Omnium de la Côte Basque 1968.
La fratrie Ballesteros

Baldomero Ballesteros et Carmen Sota, parents de quatre garçons, habitaient sur le trou n°2 du Real Golf de Pedreña, au sud de la baie de Santander. « Nous sommes d’une famille modeste, jamais nous n’aurions joué au golf si nous n’avions pas vécu à proximité d’un parcours et si nous n’avions pas été caddy. » explique le vainqueur de l’Omnium 1968. La passion du golf chez les garçons Ballesteros est aussi venue de Marcelino et Ramon Sota, frères de leur mère Carmen et golfeurs professionnels, qui habitaient sur le 6 de Pedreña. Ramon Sota, le benjamin de la fratrie, était probablement le meilleur professionnel espagnol des années 1960, représentant 9 fois l’Espagne à la Canada Cup (renommée World Cup), gagnant 4 fois le Championnat d’Espagne pro et de nombreux Open nationaux (Espagne, Portugal, France, Brésil). En 1965, il finissait 6ème du Masters, ce qui était alors la meilleure performance d’un
Européen à Augusta.
Une victoire magistrale

Lors du dernier tour de l’Omnium 1968, Ballesteros (-16 après 54 trous) jouait en dernière partie avec Jean Garaïalde (-11), tandis que Ramon Sota (-13) jouait juste devant eux. Sota entamait son dernier tour en trombe : 3 birdies sur les 3 premiers
trous. Ça ne l’empêcha pas de perdre un coup sur Ballesteros qui commençait birdie-birdie-eagle ! Ballesteros passait au 9 en 30 (-6), puis gérait son avance sur les neuf derniers trous pour finalement rendre une carte de 66 (-4), et gagner le tournoi avec deux points d’avance sur son oncle Ramon Sota et cinq sur Jean Garaïalde.
Malgré son jeune âge, Ballesteros s’était déjà fait remarquer cette année- là à l’Open de France et surtout à l’Open d’Evian où il avait pris la 4ème place. « Joueur puissant sans être doté d’une longueur exceptionnelle, Ballesteros a un jeu très complet et, pour l’instant, une absence totale de complexes, qui lui fait envisager les coups les plus difficiles avec un optimisme qu’on peut lui souhaiter de conserver le plus longtemps possible.
Il est aussi un excellent putter, qui paraît s’adapter aux greens avec facilité. » rapportait Gérard de Dampierre dans le numéro de Tennis & Golf d’Octobre 1968.
Manuel et Severiano
Vous l’avez compris, le jeune Ballesteros dont je vous ai parlé jusqu’ici n’est pas Seve, mais son grand frère Manuel. Manuel montrait en effet à 19 ans les qualités golfiques que l’on verrait, décuplées, chez son jeune frère : jeu à l’instinct, audace, puissance, imagination, putting de qualité. Seve avait à peine onze ans quand son grand frère gagnait ce premier tournoi et entamait une solide carrière professionnelle sur le Tour Européen naissant, parcourant le globe et gagnant bien sa vie (Manuel allait acheter sa première voiture peu après l’Omnium). Clairement, Manuel, de huit ans son aîné, a été un modèle et une source d’inspiration pour Seve.
Dès 1974, à l’âge de 17 ans, Seve décidait de passer professionnel et c’est Manuel qui allait chaperonner le jeune adolescent.
Du haut de ses 25 ans et de ses 6 ou 7 années d’expérience, Manuel organisa tous les voyages de Seve qui n’avait pas de compte en banque et ne parlait qu’espagnol. Manuel avait bien sûr détecté le talent inouï de son jeune frère et il a tout organisé pour que Seve n’ait d’autres soucis que de s’entrainer et de jouer des championnats.
En 1974, Manuel présentait au docteur Camposino son jeune frère qui cherchait quelques subsides pour couvrir les frais de voyage de ses quatre premiers tournois. Le docteur sortit son carnet et signa devant eux un chèque du montant demandé timidement : 80 000 pesetas (480€). Le docteur tendit le chèque à Seve qui, ne sachant pas quoi en faire, le donna à son frère. Après des premiers résultants peu probants, Seve finit cinquième de l’Open d’Italie 1974. C’était parti !
Pendant encore 10 ans, Manuel poursuivit sa carrière de joueur professionnel sur le circuit Européen, fondé en 1972, tout en soutenant son frère et l’accompagnant pour les grandes occasions. Manuel gagna le Championnat professionnel d’Espagne en 1976, garda sa carte d’année en année sur le PGA European Tour avant de mettre fin à sa carrière de joueur en 1984. Plus tard, il reprit du service pendant quelques années sur le Tour Européen Senior, renommé aujourd’hui Legends Tour. Manuel fut Président de la PGA España pendant 12 ans, il accepta des missions, comme celle de travailler au développement du complexe de golf de La Manga, tout en participant à la gestion des affaires et investissements de Seve, avant de prendre une retraite bien méritée.
Biarritz, Open Timex 1983
Mais c’est en 1983 à Biarritz, encore, que Manuel écrivit peut-être la plus belle page de sa carrière de golfeur professionnel. L’Open Timex était en effet un événement du PGA European Tour et les membres du Tour, dont beaucoup de membres de l’équipe de Ryder Cup qui allait dominer les débats dans les années 1985 à 1995, étaient présents : Nick Faldo, Bernhard Langer, … Au dernier tour, jouant en dernière partie contre Nick Faldo, le leader après 54 trous, Manuel Ballesteros mit une balle hors-limite au 9 ce qui lui valut un double bogey et 4 coups de retard sur son adversaire au départ du 10. Au 11, Manuel fit birdie pour reprendre un point à son adversaire, puis un autre birdie au par 3 n°12, tandis que Faldo mettait sa balle à gauche du green dans les bambous aujourd’hui disparus, prenait deux coups pour en sortir et faisait double bogey. En 2 trous, Manuel avait comblé son retard de 4 coups. Manuel fit un nouveau birdie au 13 pour prendre la tête de l’Open Timex. Il géra admirablement la fin du parcours pour finalement l’emporter avec 2 points d’avance sur Faldo. Une très belle victoire, 15 ans après l’Omnium de la Côte Basque 1968, sur le même parcours.
Hommage à Manuel Ballesteros et à la communauté des pros espagnols
Manuel Ballesteros Sota nous fait l’immense plaisir d’être le parrain de l’ARKEA OMNIUM 2025. C’est une occasion pour nous de l’honorer pour sa magnifique carrière professionnelle, de le remercier, et à travers lui d’honorer et de remercier la communauté des golfeurs et professionnels espagnols, pour tout ce qu’ils ont apporté au golf sur la Côte Basque, élégance, professionnalisme, talent, combativité, entre autres.
Manuel, bravo et merci !




Commentaires